Les Désarrois du professeur Mittelmann
Éric Bonnargent
Texte publié sous la direction de Marc Villemain.
Septembre 2020. Pour la première fois depuis plus de trente ans, la rentrée des classes se fera sans le professeur Mittelmann.
Pour ce jeune retraité, c’est l’heure du bilan. Entré sans conviction dans l’Éducation nationale, n’ayant eu d’ambition que littéraire, il aura pourtant été un excellent professeur de philosophie. Mais un piètre écrivain : « Il avait réussi là où il n’avait pas voulu réussir, échoué là où il avait voulu réussir. » Se remémorant son parcours, de sa Lorraine natale à la capitale en passant par Nice et surtout Brunoy, Mittelmann prend conscience qu’il n’aura jamais été à la hauteur de ses idéaux : « Au conseil de classe de l’Au-delà, Dieu n’écrira pas sur mon bulletin : Aurait pu mieux faire mais, ce qui est bien pire : A fait de son mieux. »
Roman sur l’usure du temps et le vieillissement qui poussent à se ranger parmi les « réacs », Les Désarrois du professeur Mittelmann constitue à sa manière, clinique et sensible, démissionnaire et narquoise, une radiographie du désenchantement contemporain.
Né en 1970, Éric Bonnargent, un temps chroniqueur au Matricule des Anges, enseigne la philosophie. Il est l’auteur d’Atopia, petit observatoire de littérature décalée (Éditions du Vampire Actif) et de Lettre ouverte à ma bibliothèque (Éditions Le Réalgar). En 2015, il a publié aux Éditions du Sonneur Le Roman de Bolaño, co-écrit avec Gilles Marchand.
Ouest-France • Claude Maine
La vie d’un prof de philo sous toutes ses facettes
Il a enseigné pendant 33 ans à plus de 6 000 élèves. Désormais, Mittelmann, prof de philo, est à la retraite. S’il a intégré l’Éducation nationale, c’est surtout parce qu’en classe, « il était seul maître à bord. Ni collègues, ni hiérarchie ». Il enseigne à Nice, à Menton puis en région parisienne, vit séparé de sa compagne et tente d’écrire un roman.
Eric Bonnargent, lui-même prof de philo, raconte la vie de cet enseignant qui a une agréable proportion à se moquer de lui-même. L’homme, abonné aux réveils à 5 h 45, se dépêtre dans sa vie amoureuse.
Eric Bonnargent écrit d’excellentes scènes de classe qui plonge avec délectation le lecteur parmi des cohortes d’ados dissipés et attachants. Mittelmann est alors chef de troupe, pédagogue et comédien. Le rythme est alors virevoltant et les situations, très bien incarnées. Pour son premier roman, l’auteur signe un roman attachant.
Le Figaro • Nicolas Ungemuth
Je pense donc je fuis
C’est un roman audacieusement conçu. M. Mittelmann, professeur de philosophie, vient de prendre sa retraite. La soixantaine est là. Il n’a plus besoin de se réveiller avant 6 heures du matin pour prendre le RER. Arrive le flashback, finement maîtrisé. Des années avant, la femme de sa vie l’a quitté brutalement pour l’un de ses amis (à elle) qu’elle invitait régulièrement (chez eux). Un bellâtre, inculte, sportif. Un crétin. Mittelmann le haïssait, ainsi que la plupart des amis de sa femme. Dans un premier temps, il est plutôt jovial de mettre fin à ce couple où l’amour avait disparu depuis longtemps ( « Le temps ronge l’amour comme l’acide », faisait chanter Gainsbourg à Jane Birkin dans la Ballade de Johnny Jane). Ensuite arrivent la dépression, les insomnies, les manies, la chute. Puis, ce frais sexagénaire devient fou d’une collègue prof d’anglais nettement plus jeune. Passion rapide, sexe exacerbé. Rien ne va plus, assez rapidement : la jeune femme ressemble plus à Lilith qu’à Ève. C’est reparti pour le célibat. Mittelmann se reconnaît dans le souvenir de ses parents communistes, un couple pour qui la routine a anéanti la passion : « L’objectif étant de toujours tuer le temps avant qu’il ne nous tue. » Mais le professeur, romancier raté à ses heures, aime son métier et ses élèves. Éric Bonnargent a le talent de glisser dans son roman des cours de philo dans lesquels Mittelmann évoque à un auditoire curieux Nietzsche, Socrate, mais aussi Joyce ou Pessoa. Le livre est brillant, touchant, et décrit avec douceur ce qui devrait être « le plus beau métier du monde ».
ISBN : 9782373852851
ISBN ebook : 9782373852929
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 288
Parution : 17 août 2023