Mes saisons en enfer, cinq voyages cauchemardesques
Martha Gellhorn
Traduction de l’anglais de David Fauquemberg • Préface de Marc Kravetz • Ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre
L’illustre correspondante de guerre américaine Martha Gellhorn (1908-1998) est l’auteur de nombreux récits, nouvelles, novellas et romans. Dans Mes saisons en enfer, elle nous raconte, avec une grande liberté de ton, ses périples les plus éprouvants : la Chine de Tchang Kaï-chek — en compagnie de son mari d’alors, Ernest Hemingway, qu’elle surnomme le Compagnon réticent —, la mer des Caraïbes où elle se lance à la poursuite des U-Boots nazis, le continent africain qu’elle traverse d’ouest en est, la Russie soviétique où elle rend visite à la veuve du poète Ossip Mandelstam, et enfin Israël, qui lui inspire une réflexion pleine d’humour sur l’ennui comme moteur au voyage. Sans concession pour elle-même, avec une curiosité qui jamais ne s’émousse, Martha Gellhorn déploie, dans chacun de ces récits, une joyeuse fureur et une élégante ironie. Le lecteur se réjouit de la suivre dans ses tribulations, tout en se félicitant — souvent — de ne pas être de l’aventure.
Née en 1908 aux États-Unis, Martha Gellhorn se destine très tôt à l’écriture. En 1936, elle part pour l’Europe, accréditée par le magazine Collier’s pour couvrir la Guerre d’Espagne — où elle retrouve Ernest Hemingway, son futur époux. Elle devient alors au fil des années l’une des plus éminentes reporters de guerre du vingtième siècle : Seconde Guerre mondiale (elle pénètre dans le camp de Dachau peu de jours après sa libération), guerre du Viet Nam, guerre des Six-Jours, intervention américaine au Panamá… Et si à plus de 80 ans, elle se résigne à ne pas couvrir la guerre en Bosnie, elle se rend tout de même au Brésil pour enquêter sur des meurtres d’enfants des rues. Femme entière, d’une grande exigence morale, elle refuse le déclin de la maladie et décide l’année de ses 90 ans de se donner la mort. Depuis 1999, un prestigieux prix de journalisme porte son nom.
Emmanuel Hecht, L’Express
Il faut lire les reportages de guerre et les récits de voyages de l’épouse d’Hemingway, pour découvrir une légende de la presse américaine.
Elle a les traits de Nicole Kidman dans Hemingway & Gellhorn (2012), film de Philip Kaufman avec Clive Owen. Pour qui sonne le glas lui est dédié. Pendant cinq ans, elle fut Mme Hemingway. C’est à peu près tout ce que l’on sait d’elle en France. La publication coup sur coup de deux recueils, La Guerre de face et Mes saisons en enfer, tombe à pic pour faire la connaissance de Martha Gellhorn (1908-1998), une des premières correspondantes de guerre. Femme de tête et de courage. Grande dame.
« Ma vie commença en février 1930 », écrira-t-elle à propos de son départ pour la France sur un navire de la Holland America Line, avec deux petites valises, une machine à écrire Underwood et 75 dollars en poche. Elle n’a pas 22 ans et se lance à la conquête du monde. Mais, pour l’état civil, elle naît en 1908 à Saint-Louis (Missouri), dans le foyer du Dr George Gellhorn et de sa femme, Edna, militante des droits civiques. À 21 ans, elle arrête ses études, dégote un stage d’été dans un hebdomadaire et persévère malgré de sacrés problèmes d’orthographe. À Paris, elle propose sans vergogne d’être la correspondante du New York Times. Elle sera mannequin. Elle a une liaison tumultueuse avec Bertrand de Jouvenel. Retour aux États-Unis, où elle trouve sa voie, le grand reportage, en menant des enquêtes pour l’administration Roosevelt sur les laissés-pour-compte de la Grande Dépression. Elle en tire un livre, couvert d’éloges.
Mais c’est deux ans plus tard, en 1936, que sa vie bascule : alors qu’elle passe en famille les fêtes de fin d’année à Key West, en Floride, elle rencontre Ernest Uemingway, forcément dans un bar, le Sloppy Joe’s. L’aficionado au faîte de la gloire depuis la parution du Soleil se lève aussi s’apprête à repartir en Espagne pour couvrir la guerre civile. Accréditée par le magazine Collier’s, elle le retrouve à Madrid. Ils deviennent amants à l’hôtel Florida. Elle publie son premier reportage de guerre : « A Madrid, seuls les obus gémissent. » Un style est né, laconique, distancié, plein d’humour. À la fin de 1940, mariage. Ernest et Martha ont droit à six pages de photos de Robert Capa dans Life. Lui aussi forma un couple de légende avec la photographe de guerre Gerda Taro, morte écrasée par un char républicain.
Partout où le monde vacille, Martha Gellhorn est là : la Tchécoslovaquie des accords de Munich, la Finlande de l’invasion russe, la Chine de la guerre contre le Japon, la Seconde Guerre mondiale, de Paris à Dachau, via le Monte Cassino et les Ardennes. À La Havane, Hemingway finit par être jaloux. « Es-tu une correspondante de guerre ou une femme dans mon lit ? » Ils divorcent en 1945. C’est le prix à payer pour celle qui a refusé d’être « une note en bas de page dans la vie de quelqu’un d’autre ». Jusqu’à son dernier souffle elle arpente le champ de bataille. « Le seul aspect de nos voyages capable à coup sûr de capter l’attention du public, c’est le désastre. » Vietnam, guerre des Six-Jours, Salvador, Nicaragua, Panama… À 80 ans elle se désole de ne pouvoir couvrir la guerre de Bosnie mais elle part au Brésil enquêter sur les meurtres d’enfants. Malade, elle se suicide à Londres en 1998. Quinze ans après un autre grand témoin du siècle, Arthur Koestler.
Marguerite Baux, Elle
« le seul aspect de nos voyages capable à coup sûr de capter l’attention du public, c’est le désastre», préface Martha Gellhorn, avec son franc-parler typique. Première femme correspondante de guerre, troisième épouse d’Ernest Hemingway, et toujours engagée du côté des peuples victimes de guerres qui les dépassent, cette pétroleuse aux faux airs de Katharine Hepburn raconte «cinq voyages cauchemardesques», avec autant d ‘humour que de panache. Et on ne parle pas d’un hôtel moche ou de vacances gâchées par la pluie. Qu’elle se retrouve sous les bombes en Chine, en 1941, traque le sous-marin nazi dans les Caraïbes ou meure de faim, à Moscou, en 1972, elle se moque d’elle-même, tout en livrant une lecture humaine et cinglante des folies du monde. «Deux choix face à la situation : mourir de rire ou mourir d’une attaque.» Une magnifique héroïne garantie sans testostérone.
ISBN : 9782373853025
ISBN ebook : 9782373850253
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature étrangère, États-unis
Période : XXe siècle
Pages : 544
Parution : 7 mai 2024