Le Film du peuple
Christel Périssé-Nasr
Ouvrage publié sous la direction de Marc Villemain
« Pendant qu’elle caresse ses piécettes, dans son dos, sur le mur de sa chambrette, se projette le film dans lequel n’importe quelle autre aurait tout aussi bien joué son rôle. Défilent les siècles de flambeaux qu’on se passe au village de turne à turne, de tante à nièce, défilent les familles menant les enfants domestiques au coche, leur petite tête serrée dans un fichu ou perdue sous une casquette. »
Le Film du peuple, c’est la somme des histoires que les familles se transmettent de génération en génération et dont elles taisent les secrets, les hontes et les reniements. C’est l’arbre généalogique du mérite et de la soif d’embourgeoisement, le spectacle immémorial et acide du désir d’arriver. Du destin ancillaire de Fanette à celui, littéraire, de Camille, c’est le roman implacable sur six générations de la petite fabrique des déterminismes sociaux.
Ouest-France • Amandine Clévarec
Native de Bordeaux, Christel Périssé-Nasr habite depuis bien longtemps à Nantes où elle a dispensé de nombreux ateliers d’écriture, notamment pour la Ligue de l’enseignement des Pays de la Loire et pour l’association La plume et le clavier. Mais la quadragénaire est également autrice. Ainsi, après Il n’y a pas de grand soir, sorti en 2012, chez Rivages, elle a fait un retour en force et en beauté en 2023 avec L’Art du dressage, paru aux éditions du Sonneur. Ce titre troublant mettait en scène deux hommes et leur père, celui-ci bien décidé à inculquer à ses fils sa vision très militaire de la virilité. Avec Le Film du peuple, publié il y a quelques semaines, toujours au Sonneur, Christel Périssé-Nasr interroge à nouveau le poids de l’héritage familial.
Un roman, six générations
Son roman débute cette fois au mitan du XIXe siècle, avec Fanette qui part travailler comme servante dans un châtelet situé à quelques kilomètres de son petit village du Gers. L’histoire ne garde pas mémoire de l’existence des gens de peu, dont fait partie la très jeune femme, mais le recensement de 1870 retient qu’elle a fini par revenir auprès des siens, et qu’elle a donné naissance à une enfant déclarée sans père officiel.
Tout s’imagine alors, surtout le tragique des « amours » ancillaires, mais de ce mystère la petite fille, Cécile, fera bientôt un mythe en se déclarant de sang bleu. Un fantasme qu’elle transmettra à son fils, à qui il sera vivement recommandé de s’élever en conséquence sur l’échelle sociale.
Le Film du peuple envisage la portée du mensonge originel, frustration ou ressentiment, sur les générations à venir jusqu’à l’aube du XXIe siècle. Ce roman pose aussi la question du déterminisme, et interroge le désir de sortir de sa condition. Que l’ensemble tienne en une centaine de pages est la preuve de l’écriture resserrée d’une autrice qui, à son habitude, va droit au but, en ciselant particulièrement son style. Ce titre, comme le précédent, ne laissera personne indifférent.
Au fil des pages • Jeanne Orient
« Au départ, j’avais envie de travailler autour de la banalité du mal, les petits crimes de tous les jours, la version euphémisée du mal. En littérature, il y a beaucoup d’affreux méchants avec du panache, mais la petite méchanceté quotidienne est moins travaillée »
« Le film du peuple de Christel Périssé-Nasr s’ouvre sur la fin du XIXe siècle. Fanette, qui officie comme bonne dans un château de campagne, se confronte à sa pénible condition de fille-mère, d’une petite Cécile bientôt surnommée « la bâtarde ».
Le discrédit est tel qu’il hantera la famille sur cinq générations, jusqu’à fonder le mythe familial: celui d’une hypothétique ascendance aristocratique.
Chaque maillon de la chaîne générationnelle va cultiver ce même désir de s’extraire de la gangue populaire et de gravir les marches de la réussite.
Un film, c’est d’abord ce que chacun se raconte – ou a besoin de se raconter. Le Film du peuple, c’est la somme de toutes ces histoires que les familles se transmettent de génération en génération, ces histoires dont elles savent taire savamment les secrets, les hontes et les reniments.
C’est l’arbre généalogique du mérite et de la soif d’embourgeoisement, le spectacle immémorial, amer et acide du désir d’arriver, la description par le menu de ce que l’on désigne parfois par l’expression « transfuges de classe ». C’est une lecture implacable de la petite fabrique des déterminismes sociaux. »
Et quelle écriture pour raconter tout cela. Au scalpel…!
ISBN : 9782373853162
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 112
Parution : 13 mars 2025