Le Roman de Bolaño
Éric Bonnargent et Gilles Marchand
Ouvrage publié sous la direction de Marc Villemain
Que se passe-t-il lorsqu’un chauffeur de taxi amnésique tombe sur l’adresse d’un personnage du roman qu’il vient de lire ? Que se passe-t-il lorsqu’après lui avoir écrit à tout hasard, ledit personnage, un ancien policier, lui répond qu’il est bel et bien vivant, qu’il n’a rien d’un être de papier et qu’il n’a même jamais entendu parler de l’auteur, un certain… Roberto Bolaño ? Ce lecteur (Pierre-Jean Kaufmann) et cet homme dont on a « volé » la vie (Abel Romero) entament alors une correspondance afin de cerner les liens qui unissent Romero et Bolaño. Mais au fil de leurs échanges, les voilà conduits à examiner aussi le passé de Kauffmann, dont l’amnésie semble cacher un lourd secret.
Articulé autour de l’œuvre du grand écrivain chilien, Le Roman de Bolaño croise l’enquête littéraire et le thriller latino. Naviguant entre Paris, Barcelone et Ciudad Juárez, le lecteur se trouve plongé au cœur d’une histoire où le vrai n’est jamais sûr et le faux toujours possible, et où rôdent en permanence la folie, le feu, la vie et la littérature.
Éric Bonnargent et Gilles Marchand ont joué à la lettre le jeu du roman épistolaire, correspondant à plus de neuf cents kilomètres de distance sans jamais rien savoir de ce que l’autre avait à l’esprit. Pendant plus d’un an, ils se sont écrit, créant ainsi au gré de leurs échanges la trame narrative de ce qui allait devenir Le Roman de Bolaño. Là réside en partie l’originalité profonde de ce texte : Pierre-Jean Kaufmann et Abel Romero prennent corps, se répondent, s’écoutent et s’invectivent : on en oublierait presque qu’ils n’ont jamais existé – si tant est qu’ils n’aient jamais existé…
Né en 1970, Éric Bonnargent enseigne la philosophie. Il est l’auteur d’Atopia, petit observatoire de littérature décalée (éditions du Vampire Actif) et est chroniqueur au Matricule des Anges.
Né en 1976, Gilles Marchand est chroniqueur pour le site k-libre et rédacteur pour le Who’s Who. Il a publié Une bouche sans personne (éditions des Forges de Vulcain), Dans l’attente d’une réponse favorable, 24 lettres de motivation (éditions Antidata), ainsi que des livres-objets chez Zinc Éditions.
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Emmanuelle Favier, Mediapart
Roman épistolaire, fable à deux fois deux mains, boîte de Pandore de la littérature… ce livre, au titre à géométrie sémantique variable, semble avoir été écrit par une multitude d’auteurs : de masque en masque, d’imposture littéraire en superposition des genres, on ne sait plus à quel littérateur se vouer et l’on finit par s’en remettre au fantôme de Pierre Ménard. Devenu fou, le lecteur n’aura de cesse d’une relecture perpétuelle non seulement du roman lui-même, pour en déchiffrer toutes les allusions, mais aussi de l’essentiel de la littérature sud-américaine, avant de lui-même, qui sait, se dissoudre dans la fiction…
À la faveur d’un livre trouvé sur la banquette de son taxi sauvage, un certain Pierre-Jean Kauffmann écrit à un certain Abel Romero, un jour de 2008 : tous deux entameront alors une amitié épistolaire qui les mènera dans un labyrinthe souvent terrifiant, toujours littéraire, en quête de leur propre minotaure. Dissimulés sous leurs plumes respectives, Gilles Marchand et Éric Bonnargent ont ici mis en place un extravagant dispositif littéraire où sont déclinés les thèmes, sud-américains en diable, de l’identité, du mal, et du lien quantique entre réel et fiction, sous l’égide de Roberto Bolaño […].
Cet auteur culte (dont il n’est pas nécessaire d’avoir lu une ligne pour savourer le roman qui porte son nom), œil malin sous le chapeau, souffle sur les pages la fumée de sa cigarette, comme pour embrumer encore davantage les méandres de cette enquête.
Eric Pessan, remue.net
Le jour où Abel Romero, ancien policier chilien vivant à Barcelone, reçoit une lettre de Pierre-Jean Kaufmann, chauffeur de taxi clandestin parisien et amnésique, il pense à une farce. Kaufmann lui annonce avoir trouvé son adresse dans un roman oublié sur la banquette arrière de son taxi, roman dont Romero est le personnage principal.
Le roman en question se nomme Étoile distante, son auteur Roberto Bolaño, et l’homme l’ayant égaré s’avère vite être Christian Bourgois, l’éditeur français du livre.
Il a fallu du temps à Kaufmann pour lire ce roman. Il faut du temps à Romero pour prendre cette lettre au sérieux, et le temps s’accélère brusquement lorsque les deux hommes finissent par entrer en correspondance (postale d’abord, puis électronique) : un amnésique et un homme hanté d’un trop-plein de mémoire comprennent que leurs destins sont liés à celui d’un écrivain chilien décédé dont ni l’un ni l’autre n’avait auparavant fréquenté les livres.
Vous avez ma parole d’honneur : avant que vous ne m’écriviez, je n’avais jamais entendu parler ni de cet écrivain, ni de cet éditeur, hélas tous deux décédés. Hélas oui, car je dois vous donner raison : ma présence dans Étoiles distantes m’intrigue d’autant que je viens de découvrir que j’étais le personnage de deux autres livres de Bolaño : La Littérature nazie en Amérique et Les Détectives sauvages… Je ne sais si c’est à cause de mes vieux instincts de flic ou de ma solitude, toujours plus pesante, mais j’ai bien l’intention de percer ce mystère. Alors d’accord, jouons carte sur table. Je vais répondre à vos questions, toutes vos questions, et vous raconter mon histoire.
Raconter plus serait déflorer. Il y a une grande jubilation à lire Le Roman de Bolaño, jubilation de voir comment les deux auteurs jouent à tisser le réel à la fiction, jubilation du mélange des genres (ce roman épistolaire tient à la fois du polar, du livre d’aventure, de l’exercice d’admiration), jubilation à voir apparaître çà et là des guest-stars prestigieuses : Horacio Castellanos Moya, Javier Cercas, Antoni Casas Ros, Thomas Pynchon ou encore Enrique Vila-Matas dans leurs propres rôles.
Éric Bonnargent et Gilles Marchand s’amusent, et leur rire est communicatif, leur joie brille à chaque page et — si parfois leur roman est grave — il en demeure pas moins un formidable cri d’amour à la littérature et à son pouvoir. Ainsi, cherchant des renseignements sur Bolaño, Abel Romero s’adresse à Vila-Matas qui lui répond :
Moi, si je devais me servir de vous, je vous réinventerais, je ne garderais que quelques éléments de votre histoire et en profiterais pour parler d’autre chose – de littérature, certainement. Je me servirais de vous, non pour dénoncer le monde, je ne dénonce jamais rien et la littérature engagée est toujours de la mauvaise littérature, mais pour l’interroger, pour obliger le lecteur à prendre conscience de sa structure chaotique.
Et plus loin :
D’ailleurs, les personnages de fiction ont souvent bien plus d’épaisseur que les personnes réelles (…).
Éric Bonnargent et Gilles Marchand sont respectivement critique et essayiste, auteur et éditeur, ils jouent avec leur lecteur un jeu subtil et savant, ils se plaisent à brouiller les codes, à noircir les ombres, à multiplier les pistes et les références, à bâtir des hypothèses farfelues ou réalistes, à faire du monde une bibliothèque et de la bibliothèque un monde. Les secrets sont partout, même à la page 112 des plus insignifiants ouvrages.
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ISBN : 9782916136790
ISBN ebook : 9782373850536
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 320
Parution : 15 décembre 2016