Le Film du peuple
Christel Périssé-Nasr
Ouvrage publié sous la direction de Marc Villemain
« Pendant qu’elle caresse ses piécettes, dans son dos, sur le mur de sa chambrette, se projette le film dans lequel n’importe quelle autre aurait tout aussi bien joué son rôle. Défilent les siècles de flambeaux qu’on se passe au village de turne à turne, de tante à nièce, défilent les familles menant les enfants domestiques au coche, leur petite tête serrée dans un fichu ou perdue sous une casquette. »
Le Film du peuple, c’est la somme des histoires que les familles se transmettent de génération en génération et dont elles taisent les secrets, les hontes et les reniements. C’est l’arbre généalogique du mérite et de la soif d’embourgeoisement, le spectacle immémorial et acide du désir d’arriver. Du destin ancillaire de Fanette à celui, littéraire, de Camille, c’est le roman implacable sur six générations de la petite fabrique des déterminismes sociaux.
Les Notes • C.B et P.H
« Les gens qu’on dit de peu (…) ne laissent aucune trace ». On le vérifie en suivant les six générations d’une famille gersoise à partir de 1867. Fanette, fille de menuisier, ouvre le ban en quittant la maison familiale pour « servir » au Château du hobereau local, « pépiante colombe du corps ancillaire », bientôt fille-mère d’une petite Cécile et renvoyée. Cécile, la bâtarde, est à l’origine du mythe fondateur d’une ascendance aristocratique, premier maillon d’une chaîne où chacun n’aura qu’un désir : s’élever au-dessus de la misère endémique qui fait le peuple. Deux générations plus tard, il y aura Georges, le fils de Cécile, un plumitif, greffier sans talent qui assure l’accès au tertiaire, jusqu’à Paule, la toute dernière…
Croire à l’ascension sociale, quel leurre, quand les marqueurs du déterminisme social condamnent les transfuges de classe à des seconds rôles ou à la possession de biens matériels déjà démodés. Quels efforts, au féminin surtout, pour n’être plus « du peuple », ou ne plus « faire peuple » : comment sait-on qu’on a opéré « sa » transition ? L’analyse est juste, sans concession, portée par une écriture truffée d’expressions qui font mouche sans nuire à l’émotion, sur fond d’histoire sociale de la France. Un choix narratif astucieux : c’est au tournage d’un film que nous assistons, avec les interrogations du réalisateur, les modifications qu’il apporte, jusque dans le dernier plan. Cinéaste ou écrivaine, l’auteur ou l’autrice du Film du peuple parle vrai, tellement vrai.
ISBN : 9782373853162
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 112
Parution : 13 mars 2025