Le Passé imposé
François Blistène
Ouvrage publié sous la direction de Marc Villemain
Solitaire abhorrant le monde moderne, Philippe Pontagnier s’acharne à isoler ses enfants dans une maison où leur seul contact avec les humains est un certain Kuntz, homme étrange censé parfaire leur éducation. Lorsque les trois adolescents parviennent à s’échapper, ils ne connaissent guère du monde que ce que leur père et leur précepteur, ainsi que quelques livres bien choisis, leur en ont appris. Déambulant dans Paris, ils vont donc, chacun à leur manière, tâcher d’en déchiffrer les mœurs et de s’y faire une place. Une rencontre sera décisive : celle d’un certain Monsieur Mystère, magicien de son état, auprès duquel ils vont se prendre au jeu de la vie. Mais c’est sans compter sur la soif de vengeance du Père : l’ogre rôde, et le destin est tenace.
Fluide glacial
Depuis son premier roman Moi, ma vie, son œuvre (2012), on tient à l’œil François Blistène parce qu’on aime sa façon néoclassique de raconter des histoires bizarres. Dans Le Passé imposé, un père misanthrope élève ses enfants en les isolant complètement du monde moderne qu’il exècre. Mais un jour les trois reclus endorment leur précepteur et s’échappent. Ils découvrent enfin ce qui se passe à l’extérieur… Grinçant, sombre, étrange comme du Foerster.
Valère-Marie Marchand, Les Lettres françaises
Si vous ne connaissez pas encore François Blistène, une brève notice biographique vous indiquera que ce gaucher vit à Paris, qu’il est âgé d’un demi-siècle environ et qu’il est l’auteur d’un premier roman (Moi, ma vie, son œuvre). Et si vous êtes adepte de l’école buissonnière, n’hésitez pas à le suivre dans Le Passé imposé en respectant toutefois des phases de décompression, car cette tragédie familiale sur fond de réclusion volontaire relève d’abord de la plongée en apnée. L’atmosphère proche de L’Arrache-Cœur y est peut-être pour quelque chose… Sauf qu’ici c’est un père castrateur, Philippe Pontagnier, qui entreprend de couper les ailes de sa progéniture. « L’enfer, c’est les autres » pourrait dire ce veuf neurasthénique qui enferme ses trois rejetons, Laure, Vincent et Marguerite, dans un temps qui n’est pas le leur, celui d’un passé, d’un présent et d’un avenir revus et corrigés par ses soins. mais l’enfer, c’est aussi soi-même. À force de séquestrer femme et enfants, Pontagnier oublie qu’on ne peut se substituer indéfiniment au monde extérieur. Qui plus est, le temps immobile est une vue de l’esprit. L’inévitable arrive et notre trio échappe à leur ogre de père en gagnant la capitale, ni vus ni connus… De là s’en suivent, sur les bons conseils d’un illusionniste, surnommé Mystère, d’innombrables tours de passe-passe dignes de Marcel Aimé. Le fin mot de l’histoire appartient bien évidemment au lecteur qui se fera une joie de voyager dans cette fable philosophique, riche en bifurcations et en chemins de traverse. Rien en effet de pesant dans ce Passé imposé où le style jubilatoire nous fait prendre des bottes de sept lieues. Bien plus que le talent, Blistène dispose d’un univers romanesque aux antipodes de l’uniformité éditoriale et d’un regard distancié sur sa propre écriture, ce qui, mine de rien, pourrait bien le situer dans la cour des grands…
ISBN : 9782916136714
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 256
Parution : 20 mars 2014