Une immense lectures du mouton

Virginie Vertigo, Les lectures du mouton

« Avec les années, Baba réapprit à vivre. Les enfants grandirent. Ils se marièrent, donnèrent naissance aux petits-enfants. Une nouvelle génération naquit. La vie reprit ses droits. Sans que personne ne l’ait jamais décrété, il fut décidé que la guerre devait être effacée des mémoires. Nous étions la première génération du Grand-Oubli.

Nous ignorerions les Invisibles.

Ce soir-là, j’avais promis à Baba de conserver le secret. Elle avait laissé planer le nom en suspens, si bien qu’on aurait pu croire à un résidu de peine. De quoi les Invisibles étaient-ils coupables ? D’avoir été abandonnés ? Mais aucun remords ne pouvait être formulé. Affronter l’histoire était trop douloureux pour les vieilles. Le silence seul leur servait d’aveu. Il n’y avait pas plus de place pour les regrets que pour la pitié dans leur cœur racorni. Qui aurait pu leur en vouloir ? »

Coupez tout. Le smartphone, la télévision, la radio, tout ce qui peut être source de déconcentration dans notre monde ultra-connecté. Juste le silence.

Oubliez tout. Vos préjugés, votre rationalité mais aussi vos soucis du quotidien à la maison ou au bureau.

Installez-vous bien confortablement. Sur votre lit, votre canapé, votre fauteuil, votre pouf, peu importe. Avec ou sans chat, chien, café, thé, plaid. Bref, soyez bien.

Ça y est, vous êtes prêt ? Et bien ouvrez le premier roman de Laurine Roux et laissez-vous emporter par sa magie, sa poésie, par ce monde peuplé de légendes, à la fois si proche et si éloigné de nous. Peut-être parce que nous avons justement oublié ce qu’est cette immense sensation de calme.

En lisant ce livre, vous allez faire la rencontre d’une jeune femme qui vit dans un monde difficile, rugueux. Des montagnes, des forêts, de la neige à profusion. Les éléments qui se connectent et qui peuvent apporter le plus beau et le plus difficile. La nature offre la vie, la nourriture mais aussi le froid mordant, la mort. Elle n’est ni bonne ni malveillante, elle est, tout simplement. Les hommes se doivent de la comprendre, de la respecter. Et puis l’être humain fait des choses bien pires :  les anciens racontent aux plus jeunes cet ancien monde qui a basculé il y a cinquante ans dans l’horreur, le Grand-Oubli. Notre jeune fille se laisse guider, porter, bercer par la voix des plus anciens dans les bras d’Igor.

Une bien jolie surprise. J’ai été envoûtée par ce récit qui reprend les codes du conte, par cette écriture limpide mais forte et bien travaillée. À l’heure où les premiers romans tombent bien souvent dans le récit autobiographique, il est bon de lire une bonne fiction qui nous fait voyager loin sans que l’on ait besoin de bouger de chez soi.

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