Telerama Babb

Télérama • Laurent Rigoulet • TTTT

DÉCOUVERTE

Supplantée par un Steinbeck indélicat, Sanora Babb ne put faire éditer ce chef-d’oeuvre, enfin sorti du tiroir.

Magnifique évocation des « damnés de la terre » dans l’Amérique de la Grande Dépression, Eux dont les noms sont inconnus nous parvient près d’un siècle après sa rédaction, et son histoire est à peine croyable. Jeune journaliste et militante socialiste dans le Los Angeles des années 1930, Sanora Babb (1907-2005) s’est engagée dans l’aide aux fermiers chassés de leurs terres par les dettes et par la sécheresse. Ils se sont confiés à elle dans leurs campements de fortune. Poussée par un éditeur new-yorkais, la jeune femme a écrit ce livre où elle raconte, dans une langue simple et lumineuse, le destin d’une famille, sa vie de misère sur la terre ingrate du « pays du blé », l’abjection des banquiers, « l’ogre des impôts », les luttes sociales.

Le manuscrit était achevé en 1939, mais Sanora Babb avait fait lire ses notes à John Steinbeck qui, sans jamais la citer, s’en est servi pour Les Raisins de la colère. Le succès phénoménal du roman a découragé les éditeurs de publier celui de Sanora Babb – pas de place pour deux livres traitant d’un même sujet. Rideau. Eux dont les noms sont inconnus n’a vu le jour qu’en 2004, un an avant sa mort à 98 ans. Sa découverte n’en est que plus déchirante. L’attention prêtée aux détails, aux gestes du travail, aux nuances du ciel et à ses mouvements les plus brusques en font un témoignage remarquable sur la vie épique des grandes plaines. Le récit s’enflamme dans la description, teintée de fantastique, des ouragans de poussière qui poussent au chaos de l’exode. Et dans l’évocation des femmes, au premier rang des luttes quotidiennes et des combats syndicaux. On veut désormais tout lire et tout savoir de Sanora Babb.

 

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