Lire • Antoine Faure
Magnifique insoumise
Un texte majeur impose la qualité de sa langue et la profondeur de son propos, mais il sait aussi renouveler sans cesse l’intérêt de son lecteur, surtout lorsqu’il s’étend sur plus de sept cents pages. Les cinquante-deux chapitres de La Sorcière à la jambe d’os sont autant de fragments épars de l’existence d’une certaine Gila, « contée sans ordre ni plan, au sabre et au fusil comme instruments de la technique narrative ». La construction choisie par Želimir Periš s’avère savante, multipliant les allers-retours dans le temps à travers la Croatie du XIXe siècle, alors sous férule autrichienne et subissant les influences française, turque et vénitienne. Usant de formes variées – du conte fantastique au document administratif en passant par la pastorale – et d’un humour aidant à supporter la rudesse des événements, l’auteur nous livre la formidable épopée d’une femme émancipée et sarcastique, rebouteuse de son état, en butte aux préjugés et superstitions d’un monde qui meurt et recherchée dans tout l’Empire. Un pari unique tenu avec éclat.