Paris Normandie • Guillaume Hamonic
Jeudi soir, une heure avant de donner une conférence sur son roman Cette petite crapule de Maupassant à Rouen, dans l’hôtel littéraire Gustave Flaubert, l’auteur Arne Ulbricht explique ses choix. Et notamment de s’être particulièrement intéressé à la vie sulfureuse de l’écrivain.
Votre ouvrage est un roman mais prétend à une certaine véracité sur la vie de Maupassant. Comment le qualifier ?
Arne Ulbricht : En Allemagne, on utilise le terme de roman biographique. Je voulais avoir la liberté d’inventer des choses, tout en essayant de ne pas déformer la vie de Maupassant. Un biographe a la liberté de dire “je ne sais pas”, dans un roman c’est impossible. Je voulais raconter la vie de Maupassant, mais je ne voulais pas raconter tous les détails de sa vie. Je voulais qu’on s’amuse en lisant mon livre. Qu’on puisse le lire à la plage.
En Allemagne, votre livre s’intitule «Maupassant». Ici, c’est la formule hypocoristique « Cette petite crapule de Maupassant » qui sert de titre. Pourquoi l’avoir changé et d’où vient-il ?
« Mon éditrice m’a dit qu’en France, le titre ne marcherait pas. On a alors réfléchi et il y a cette citation de Flaubert qui écrit à la mère de Maupassant qu’une certaine femme, Suzanne Lagier (NDLR : l’une des maîtresses favorites de Maupassant), aurait dit “cette petite crapule de Maupassant”. C’est une sorte de compliment. Il rappelle qu’il n’est pas juste un intellectuel qui a écrit un livre après l’autre, mais quelqu’un qui a vécu de nombreuses relations. »
Comment avez-vous fait pour vous mettre dans la peau de Maupassant ?
« J’ai tout écrit d’une traite, avec une plume et un petit encrier pour me sentir comme lui. C’est une habitude que j’ai gardée, j’écris toujours mes premières versions à la plume. »
Votre livre s’arrête juste après le premier succès littéraire de l’auteur, Boule de Suif, pourquoi avoir fait le choix de raconter cette période de sa vie ?
« Je me suis demandé : est-ce que je raconte toute la vie de Maupassant ou je raconte seulement une période ? Je me suis fait la remarque qu’on connait l’auteur qui a écrit une nouvelle après l’autre, qui a écrit six romans, qui a été malade. Mais on ne connait pas l’homme qui est devenu l’auteur de Boule de Suif. J’ai pensé, quand j’ai écrit ce roman, au public français. Qu’est-ce que je peux raconter aux Français sur Maupassant ? Certainement pas sa vie après Boule de Suif. Et puis je trouve beaucoup plus intéressant de raconter comment on devient célèbre. »
Vous qui êtes professeur de français en Allemagne, recommanderiez-vous votre livre à vos élèves ?
« Non pas celui-ci ! Il y a trop de scènes de sexe. Si les parents lisent ce livre… »(Rire)
Qui est le Maupassant de notre temps ?
« Il serait quelqu’un comme Houellebecq, qui a des opinions difficiles, mais qui provoque le débat. En Allemagne nous n’avons plus cela depuis la mort de Günter Grass. Maupassant aurait été quelqu’un qui aurait rendu la vie intellectuelle très intéressante. Quelqu’un comme lui manque. J’aimerais connaître le Maupassant d’aujourd’hui, boire un verre avec lui. »