PanayotopoulosLeventreetloreille

Emmanuel Desestré, Le Ventre et l’Oreille

Les raisons d’une chronique
La façon avec laquelle ce livre est arrivé jusqu’à moi ne justifie pas à elle seule une recension dans cette revue. Le lien avec la musique et la cuisine, même lointain, n’est pas évident. J’aurais bien pu en tisser un, mais son artificialité et sa minceur auraient étiolé ma volonté de bien faire. Avec mon ami Yiannis Stefanakos, qui a pu lire Tout seul en français avant de le découvrir en grec, nous avons décidé de nous livrer à une expérience sensorielle : proposer un accompagnement sonore pour ce récit autobiographique.

Chair et pensée
Tout seul est une introspection. C’est aussi l’introspection d’un auteur déjà rompu aux démarches réflexives, introspection d’introspection dira-t-on peut-être. Comme tout récit autobiographique, c’est une mise à nu qui tente malgré elle de rendre universels les thèmes abordés : la transmission, la médiation, les liens de différentes natures, le temps, les peurs. Ici, Nicos Panayotopoulos est conscient de la dimension « généralisante » du « je » singulier. Il intègre parfois le lecteur dans son écriture et le prend à partie. Le sous-titre ne l’annonce-t-il pas ? Saurait-on n’être prophète que pour soi ? Dans Tout seul, il explore de manière fine la médiation entre son père et lui-même puis avec son fils. Le bois que l’on caresse, la table qui sépare et qui met en relation, la musique qui agace, le geste qui énerve. Peu importe, le lien est tissé, fût-il conflictuel. Les voix s’entremêlent, il a fallu cet élément facilitateur. L’auteur ose aussi mettre à l’épreuve le lien biologique et la transmission culturelle : qu’est-ce que ressembler ? Il tente pudiquement de concilier la conscience et ce que l’éducation a imprimé en nous à notre insu. Il tente et nous offre aussi la leçon d’humilité qui va avec. Il tente tout en sachant le poids. Dans une société grecque en contraste, aussi délicate que brutale, Nicos Panayotopoulos détricote l’emprise des traditions, de la bureaucratie et le carcan des représentations. Il conte les regrets et les désirs mêlés. Il conte les secrets et l’histoire familiale avec une grande sobriété et une langue épurée. Rendons ici hommage à Gilles Decorvet qui a su ne pas enjoliver pour son plaisir un langage tendu et incisif.

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