PanayotopoulosLHuma

Alain Nicolas • L’Humanité

« Tu vas me haïr, tu verras », une « lettre au père » qui est aussi un autoportrait de la famille grecque.

« Il aura toujours tort, quoi qu’il arrive, dans l’excès comme dans le manque. » C’est du père qu’il s’agit. Du père de l’auteur, mais tout aussi bien de l’auteur en tant que père. Sur la difficulté à être père, à se débarrasser de son père, bien des pages ont été écrites. August Strindberg en parle dans son récit autobiographique Seul. Panayotopoulos s’en souvient, qui intitule Tout seul sa Prophétie autobiographique. Les mots semblent contradictoires. Une autobiographie peut-elle prévoir l’avenir ? Oui, si l’on s’en tient aux leçons du passé, à ce qu’a appris l’auteur de ses propres rapports au père. « Tu vas me haïr, tu verras », murmure-t-il à l’oreille de son fils, pendant qu’ils « jouent » à la bagarre. Stade suprême de la sagesse ou constat désespéré ? Pour le savoir, il faut lire la « lettre au père » que Nicos Panayotopoulos nous laisse lire par-dessus son épaule.

 

Écart culturel entre les générations

Pour venir de son village d’Arcadie jusqu’à Athènes, il a fallu à Alekos Panayotopoulos deux jours. Le trajet prend aujourd’hui deux heures. Si l’auteur insiste sur ces durées, c’est pour mieux faire comprendre à quel point le temps et l’espace séparaient les générations, qu’ils étaient une composante de cet écart que l’on dit culturel entre les adolescents de la fin de la guerre et les hommes mûrs du temps de la crise. Le père, fils d’une famille de paysans, doté de neuf frères et sœurs, a fait comme tout le monde. Il est parti. Contrairement aux autres qui ont fini leur voyage aux États-Unis, lui s’est arrêté à Athènes. La légende familiale veut que les beaux yeux d’une jeune fille – la mère de l’auteur – aient stoppé net son élan transatlantique. Une belle histoire qui, on le verra, sera encore plus belle quand elle sera devenue plus vraie.

On ne dévoilera pas les informations soigneusement tues par le père sur les causes de la longueur de ses fiançailles. Le livre, qui prend parfois les formes d’une enquête sur la vie de ce père que l’auteur a si mal connu, est un bel exemple de l’écriture de soi, telle que la propose la collection où il prend place. Mais il vaut aussi pour ce qu’il nous dit de la Grèce, de ce que représente la famille dans ce pays auquel nous attachent tant de liens et qui nous reste pourtant si lointain.

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