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Revue Études • Franck Adani

Kerburn est considéré aux États-Unis, à juste titre, comme un ami des Indiens, un ardent défenseur de leur cause, de leur culture et de leur voix. Son premier livre (non traduit) sur les Ojibwés de la réserve de Red Lake (Minnesota) lui vaut, au début des années 1990, d’être sollicité par Dan, un aîné de la tribu des Lakotas. C’est le début d’un homérique périple à travers les plaines du Dakota, du mont Rushmore au site cathartique de Wounded Knee, à bord d’une antique Buick. Au fil des miles, Dan se raconte et fait à sa manière le récit de la tragédie d’un peuple relégué dans les tablettes de l’Histoire au rang d’éternel perdant (malgré des figures majeures comme Sitting Bull ou Crazy Horse). L’ouvrage est « pour les silencieux » : il s’agit donc de parler en lieu et place de ceux qui se taisent ou sont inaudibles, sans pour autant édulcorer ou déformer leur témoignage, et de leur tendre comme un miroir un livre dans lequel ils pourront se reconnaître, se retrouver. Projet doublement périlleux ! Il ne suffit pas de débarquer dans la réserve avec son magnétophone. La sincérité et l’empathie ne suffisent pas et peuvent même avoir des effets pernicieux. Il ne suffit pas de transcrire ce que Dan appelle ses « petits discours », mais de se laisser traverser, transformer, par une parole autre. Pour simplement « essayer de dire les choses correctement », ces deux-là devront au préalable accorder leurs instruments, trouver un terrain d’en-tente. Le road trip se met alors à ressembler à une propédeutique buissonnière : le livre s’écrit littéralement sous nos yeux, tandis qu’après bien des tâtonnements, reprises et repentirs, s’amorce le chemin d’une douloureuse réconciliation.

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