Mœurs Noires

Mœurs Noires

En septembre dernier est paru un texte de Franz Bartelt, Depuis qu’elle est morte elle va beaucoup mieux, aux éditions du Sonneur dans la collection Ce que la vie signifie pour moi dirigée par Martine Laval. Il s’agit d’un texte court, presqu’un témoignage, dans la lignée de Je ne sais pas parler, un texte nous racontant les deniers jours d’une mère vus par son fils… Comment il l’accompagne, comment il affronte cet événement inéluctable.
Le fils, narrateur de l’histoire, a pris l’habitude d’une visite quotidienne à sa mère. Elle vit à Charleville, ville proche de chez lui. Il lui rend visite chez elle pour lui préparer son repas du soir, discuter et voir si tout va bien. Il lui rend visite et, à travers les petits moments qu’il raconte, nous suivons l’évolution de cette femme se détachant petit à petit du monde. Mêlant son passé au présent, mêlant ses souvenirs au quotidien. S’emmêlant. Elle prépare ainsi le repas pour sa mère morte depuis quarante ans, se dit qu’elle doit écrire à sa sœur disparue depuis une quinzaine d’années. Elle s’accroche pour rester indépendante, rester chez elle. Son fils essaie de la confronter à la réalité, de mettre en contradiction ses souvenirs et ce qu’elle raconte de ses journées. Mais est-ce indispensable ?

Puis l’état de la vieille femme évoluant, elle se retrouve à l’hospice, “résidence pour personnes âgées” en langage politiquement correct. Son détachement se poursuit.

Finalement, rendre visite à ses parents âgés, c’est venir les regarder mourir et s’habituer à cette pensée atroce de leur dénouement et de notre vie sans eux, qui étaient notre dernier rempart. Une fois qu’ils sont morts, la vie travaille à nous presser de les rejoindre, évidemment. Notre tour est arrivé. Nos plus fidèles alliés ont lâché prise. Nous sommes en première ligne et nous savons qu’il n’y aura même pas de bataille.

C’est un superbe texte que Bartelt nous donne à lire. Un texte tout en délicatesse, un texte écrit à coups d’observation, de petits moments du quotidien, n’oubliant pas d’être drôle, suprême élégance. Un texte écrit dans un style concis, simple, ciselé.

Un livre très émouvant tout en restant léger et profond à la fois.

Car face à l’un de ses parents qui s’éloigne, nos perspectives évoluent.

Si j’avais un vœux à formuler en frottant la lampe, ce serait celui de ne jamais avoir à laisser à la mort le soin de faire tout le travail. Je tiens beaucoup à me détruire avec les égards que l’homme se doit à lui-même, en abusant de toutes les préméditations imaginables, le vin, le tabac, les repas entre copains dans les graillonneries crapuleuses de la zone frontière, les promenades dans les bois et le long des ruisseaux, la lecture, l’écriture, les plaisanteries de mauvais goût, la musique à fond les biscottes, la mauvaise foi, la contestation politique, l’effervescence antireligieuse et bien d’autres manigances de salubrité personnelle.

À travers l’observation de moments a priori anodins, Bartelt fait remonter en nous, sans les provoquer, ces questions que l’on refoule parfois, que l’on tient à distance…

Un petit bijou qui nous rappelle que les livres sont là pour nous aider à vivre, nous rendre les choses plus légères et nous pousser à réfléchir, en provoquant quelques émotions, tant qu’à faire… Une œuvre de santé publique.

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