Mittelmann

France Info • Ariane Combes-Savary

Les Désarrois du professeur Mittelmann, le portrait sensible et plein de finesse d’un prof de philo désenchanté

Dans son nouveau roman, Éric Bonnargent retrace la vie intime et la carrière d’un professeur de philosophie, entre ambition littéraire déçue, ennui et désillusions. Un récit lucide et tendre, non dénué d’humour.

Ne vous fiez pas à la couverture un peu austère de ce livre tendre et touchant. Elle rappelle le vert de nos tableaux d’écoliers et colle à la posture peu avenante de ce professeur sans âge. À première vue, il ne s’agit pas d’une invitation à la fantaisie. Et pourtant.

Le roman est construit comme un premier jour de classe. Il faut laisser passer les premiers instants pour qu’élèves et professeur prennent leurs marques, et que l’ambiance se détende. Tournez la première page de ce roman d’Éric Bonnargent qui, huit ans après Le Roman de Bolaño coécrit avec Gilles Marchand, revient avec Les Désarrois du professeur Mittelmann, que vous ne lâcherez qu’une fois terminé.

Tenté par l’aigreur et la misanthropie

Le jeune Mittelmann rêve de devenir écrivain, mais les circonstances de la vie le mènent finalement dans une salle de classe. On dit souvent qu’être prof est une vocation, Mittelmann en est un parfait contre-exemple. Il a beau manquer de convictions, il enseignera la philosophie toute sa carrière, à Menton d’abord puis de nombreuses années à Brunoy, en banlieue parisienne. Une trentaine de rentrées des classes jusqu’à l’âge de la retraite. À l’heure du bilan, le corps fatigué par les affres du temps, il lutte contre l’aigreur et la misanthropie, affligé par ses contemporains et leurs valeurs qu’il ne comprend plus.

Les Désarrois du professeur Mittelmann raconte les désillusions d’un homme qui découvre au fil des ans qu’il n’est « simplement pas à la hauteur de ses idéaux ». Un homme dont le drame est « celui de la médiocrité : assez intelligent pour se rendre compte qu’il ne l’était pas assez, qu’il n’avait pas le talent dont il avait rêvé, et qu’il était passé à côté de sa vie ».

Le désenchantement de notre prof de philo n’empêche pas quelques scènes désopilantes. Comme ces dîners interminables où Mittelmann tente de faire bonne figure en compagnie des amis de sa femme. Tel Didier, chef d’entreprise insupportable aux cheveux gominés et aux jeans moulants, qui évidemment méprise les fonctionnaires. Un « bellâtre » au sourire de « coiffeur à domicile ».

Hommage au métier d’enseignant

L’amour, la solitude, les ambitions et les rêves déçus, le temps qui passe inexorablement. Le regard de Mittelmann sur sa vie touche au cœur. Y compris lorsqu’il porte sur ses pairs un jugement acerbe. Lui, l’enseignant qui traîne en « salle des profs comme en pays étranger, ne comprenant rien ou si peu à ce petit monde replié sur lui-même, à la langue encombrée d’acronymes, et où l’endogamie semblait de mise ».

Le récit nous fait entrer à trois reprises dans la salle de classe de Mittelmann. L’appel interminable, les questions plus ou moins pertinentes des élèves, la vivacité, l’enthousiasme et la répartie de leur professeur qui, même s’il s’en défend, garde le goût de la transmission. On vit ces cours de philo comme si on y était, parfois exaspéré par les interventions intempestives des élèves et l’insolence. Mittelmann fait cesser les bavardages et malgré le brouhaha, garde le fil de sa pensée une heure durant, sans rien lâcher. Imperturbable et concentré.

L’auteur, lui-même professeur de philosophie, rend ici un bel hommage au métier d’enseignant.

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