Marianne Payot, L’Express
Salué par le jury du prix Goncourt, Vie de monsieur Leguat est un enchantement. Monsieur Leguat (1638-1735), huguenot chassé de ses terres bressanes par la révocation de l’édit de Nantes, a bel et bien existé. Et plutôt trois fois qu’une, comme le raconte, dans un style merveilleusement suranné, Nicolas Cavaillès, qui signe là son premier roman (sa première longue nouvelle). À 52 ans, voilà Leguat embarqué avec onze Français, via Amsterdam, sur un trois-mâts baptisé l’Hirondelle et commandé par le capitaine Valleau, un sadique de la pire espèce. Le 1er mai 1691, l’équipée débarque sur l’île Rodrigues – un nouvel éden,« expression pure de la Providence divine ». Reste que les jeunes compagnons de Leguat rêvent de corps féminins. Le capitaine s’étant volatilisé, c’est à l’aide d’embarcations de fortune que les insulaires moins les morts du scorbut affrontent les tempêtes en direction de l’île Maurice, alors sous domination hollandaise. Des années de galère plus tard, le hobereau à la belle âme entame sa troisième vie, dans les bas fonds londoniens. Traducteur du roumain, grand connaisseur de Cioran et auteur de plusieurs essais de critique littéraire, Nicolas Cavaillès ne dépare pas dans le noble registre de l’humour désespéré.