Louise de Crisnay, Libération
Lafcadio Hearn savait bien qu’un chasseur de lucioles n’a jamais le temps de les placer une à une dans son filet. Il les lance et les conserve directement dans sa bouche. L’écrivain irlandais, installé au Japon en 1890, fait preuve de la même adresse dans ses chroniques sur les insectes. Amateur éclairé, son éclectisme n’est sans doute pas sans lacunes, mais justement, ajoute-t-il, « étant ce que je suis, je puis m’aventurer dans les théories ». C’est donc tout naturellement qu’après avoir observé l’animal dans la symbolique du folklore ou de la poésie, il arrive au « vrai roman » de la luciole, l’inimitable complexité de son organe photogène, avec la conviction « que la matière, en quelque manière aveugle mais infaillible, se souvient toujours. Et qu’au cœur de toute matière vivante, sommeillent d’incommensurables possibilités, par le motif tout simple qu’il n’est point, en dernière analyse, d’atome en qui ne repose l’expérience indestructible et infinie de milliards de milliards d’univers disparus ».