Jean Ristat, Les Lettres françaises
Je le dis d’emblée, sans les précautions d’usage : le livre de Marie-Noël Rio, Pour Lili, m’a bouleversé comme peu de livres dans ma vie. Je l’ai lu et relu d’un seul mouvement, retenant mon souffle, la gorge parfois serrée, au bord des larmes et pourtant peu à peu envahi par une mélancolique douceur, celle qu’on connaît à la tombée du jour lorsque le soleil se couche dans un tableau de Poussin. Je garde en moi la musique ténue, tranquille de cette histoire d’amour et de deuil. Et si j’évoquais à l’instant la lumière d’or sur un paysage à l’antique, je pourrais tout aussi bien parler du jeu tendre et nostalgique des violons et des violoncelles dans le fameux Quintette en ut majeur de Schubert. On a peur en respirant de briser le silence, on n’entend plus battre son coeur, on ne fait plus qu’un avec la musique. Le lecteur marquera peut-être sa surprise devant l’association du classicisme le plus pur d’un peintre du dix-septième siècle et d’une musique de chambre considérée comme un des chefs-d’œuvre du romantisme. Il se trouve que le texte de Marie-Noël Rio réunit ces deux qualités. Il développe une philosophie de la vie et de la mort empreinte de stoïcisme, et déroule en même temps un phrasé mélodique dont l’émotion n’est jamais bannie mais toujours maîtrisée. […] Pour Lili raconte le travail, le long travail de deuil. Il se termine par ces phrases : « Je ne suis plus en proie au deuil, au chagrin, je suis à nouveau parmi les vivants et tu dois rester avec les morts. Tu ne me manques pas, tu ne me quittes pas. Adieu Lili, ma bien aimée. » Merci, Marie-Noël Rio, pour cette leçon de vie.