Les Échos • Isabelle Lesniak
L’industrie du cinéma dans les années 1930 disséquée par le regard acéré de Joseph Kessel.
En 1936, l’année de la publication de La Passante du Sans-Souci, l’écrivain-journaliste Joseph Kessel débarque à Hollywood alors que cet empire des images qui fait rêver la planète est en plein essor. Celui qui deviendra correspondant de guerre et résistant y signe une enquête très personnelle, particulièrement critique, sur l’industrie du film qui représente « le troisième rush vers la fortune de la Californie, après l’or et le pétrole ».
L’actualité de ce texte, paru en 1937 et épuisé depuis plusieurs années, est frappante. Kessel y décrit les rouages d’une industrie vouée à divertir les masses, et notamment le public peu cultivé des petites villes américaines – d’où l’indigence de scénarios obnubilés par la rencontre d’un garçon et d’une fille. Une industrie qui sort 900 films par an ne fait globalement pas dans le chef-d’œuvre… Les fonctions des protagonistes sont décortiquées avec beaucoup d’acuité : producteurs obsédés par la rentabilité, agents hyperactifs, acteurs dont la naissance et le culte sont soigneusement organisés par les studios avec lesquels ils sont sous contrat, enfants-stars qui alimentent le système. Si le formidable témoin qu’est Kessel porte un constat si dur, ce n’est « ni par mépris ni par haine mais par amour déçu ».
« Sous ses apparences de calme, de loisir, sous sa carapace de luxe, Hollywood est pareille aux villes minières, aux agglomérations de hauts-fourneaux qui se vident de l’aube au crépuscule pour envoyer leur population aux galeries ou à la chaîne. Hollywood fabrique des images parlantes comme Ford sort des automobiles. »