Hollywood-Le Monde

Le Monde des livres • Macha Séry

De son séjour outre-Atlantique, en 1936, Joseph Kessel a tiré Hollywood, ville mirage, un récit aussitôt paru chez Gallimard, que republient aujourd’hui les Éditions du Sonneur. Il y décrit la Babylone cinématographique comme un lieu d’aventures forgées par l’histoire et la géographie, « le voisinage de l’océan, la proximité des montagnes, du désert, de la brousse ». En somme, des décors naturels au service d’une impitoyable industrie de l’artifice, gisement aurifère d’images et de fantasmes, et nouvelle Église universelle. « En un tiers de siècle, la Californie a vu se réaliser son troisième rush, sa troisième ruée vers la fortune, son troisième Eldorado. Il y eut l’or. Il y eut le pétrole. Le tour est maintenant aux films. Il a eu, lui aussi, ses défricheurs, ses pionniers, ses fièvres et ses victimes. » Hollywood, ville mirage est le « récit sans mépris ni haine d’un amour déçu », écrit Kessel avec lucidité.
Il dédie au cinéaste Anatole Litvak (1902-1974), qui lui « a tout appris d’un métier nouveau », lorsqu’il l’a associé à l’adaptation de L’Équipage (sorti en 1935), puis lui a confié l’écriture de Mayerling l’année suivante. Auréolés de ce récent succès, Litvak et Kessel sont accueillis en grande pompe à Hollywood. Las, leur expédition tourne court. Trop de contraintes imposées par le code Hays, des producteurs tout-puissants, familiers des volte-face. Par la suite, Humphrey Bogart, William Holden, Kirk Douglas, Jack Palance furent parmi les acteurs américains à inscrire leur nom au générique des films adaptés d’œuvres de Kessel.
L’écrivain restera fidèle à Litvak, cosignant les scénarios d’Un acte d’amour (1953) et de La Nuit des généraux (1967). Il collaborera aussi avec Henri Decoin pour Au grand balcon (1949), inspiré par la biographie de Jean Mermoz, et avec Pierre Schoendoerffer, dans le compagnonnage duquel il découvrit les vallées de l’Hindou Kouch en 1956.
Kessel, chantre de l’amitié virile, se double d’un admirable portraitiste de femmes qu’ont magnifiées des actrices d’exception : Catherine Deneuve habillée par Yves Saint Laurent et filmée par Luis Buñuel dans Belle de jour (Lion d’or 1967), Romy Schneider, l’interprète désemparée de La Passante du Sans-Souci (1982), ou Simone Signoret, alias Mathilde dans L’Armée des ombres (1969), film que Jean-Pierre Melville voulait réaliser dès 1943.

 

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