Gilles Heuré, Télérama, TT

Gilles Heuré, Télérama, TT

À la question « Aimeriez-vous aller en France ? », Ring Lardner (1885-1933), alors journaliste au Chicago Tribune et sollicité par le périodique Collier’s, répondit qu’il en serait ravi, mais qu’il avait 32 ans, une épouse « peu fiable » et « trois enfants sur lesquels on ne pouvait compter »… Autant dire que ce chroni­queur sportif, en outre nouvelliste satirique à succès, n’avait pas vraiment vocation à suivre le corps expédition­naire américain en partance pour la France en 1917. Il embarque néan­moins en août sur un bateau « qui a à peu près le même âge » que lui et arrive à Bordeaux une semaine plus tard. La première guerre qu’il doit mener est celle qui l’oppose à l’administration et aux nombreux obstacles dont elle hérisse son chemin : laissez-passer et autorisations en tout genre. Las, Lardner rejoint enfin Paris, y observe la liberté des femmes, redoute la conduite des taxis et tente de se fa­miliariser avec les us des Français qui ne font aucun effort pour comprendre son franglais improvisé et parlent une langue des plus singulières : « Saint­ Cloud se prononce exactement comme il ne s’écrit pas… » Rejoindre un camp américain s’avère plus difficile que pré­vu : encore des papiers à remplir, des ruses à inventer contre la censure. Ring Lardner ne verra d’ailleurs ni combats ni tranchées, et n’aura de la guerre que des échos peu fiables, s’employant à faire le tri parmi les ru­meurs qui prolifèrent. C’est cette dis­tance avec la vraie guerre qui autorise le ton souvent facétieux de cet Améri­cain à Paris (et alentour), plus chroni­queur mondain que reporter de guerre.

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