François Cérésa, Service littéraire
L’un est aux taquets, l’autre tente de se sauver d’elle-même. Jean-Marie Dallet et Marie-Noël Rio suivent peinardement leur chemin, loin du bruit et des modes, vent debout et l’âme en bandoulière. Ces deux écorchés se foutent bien des grands éditeurs. L’un navigue à Tahiti avec le Vent des îles, l’autre explore l’Inde avec les Éditions du Sonneur. Sexe et sextant pour Dallet, mousse et mousson pour Rio. Il faut d’ailleurs préciser que M. Dallet a publié aussi au Sonneur, avec la charmante Valérie Millet, et que sa misanthropie onirique s’accorde parfaitement avec la philanthropie cynique de Mme Rio. Dallet pourrait être l’homme de Rio et Rio la femme de Dallet. Ces deux-là ont en commun des questions sombres, des tragédies larvées, des blessures inguérissables. Le jongleur Dallet, en compagnie de Tita, de Tato et de son cador, file à bord de Lady Day entre ciel et terre ; l’équilibriste Rio, flanquée d’Alice, de Laure et de Fleur, enfile la pluie jusqu’en Inde. Les itinéraires de Dallet et Rio ne se croisent pas, il se complètent. Leurs récits aussi fluides que des drisses, balancés comme des chakras (eh oui, il faut beaucoup d’énergie pour sortir de la mouise), nous vont droit au cœur. Il est question d’horizon bien dégagé, de poésie, d’acrobate, d’océan qui se confond avec le cœur des choses et le corps des filles. Deux petits livres coruscants, loin des conneries estivales, avec un Tahiti disparu et une Inde qui renaît sans cesse.