François Angelier, les yeux dans les poches

François Angelier • Le Monde des Livres

Si le film Freaks, de Tod Browning (1932), avec sa famille de phénomènes, a pu acquérir avec le temps un statut légendaire, quasi inconnu demeure le texte dont il est issu. Titré Spurs («éperons»), paru en février 1923 dans le Mumsey’s Magzine, signé par un étrange dandy littéraire, l’écrivain américain Tod Robbins (1888-1949), le récit exploite au mieux les fantasmes et l’imaginaire liés à la figure du lilliputien. Artiste d’un cirque où il apparaît monté sur le chien-loup Saint-Eustache, le nain Jacques Courbé hérite un beau jour d’un solide capital agricole, ce qui lui permet d’épouser enfin la cupide écuyère Jeanne-Marie, qui l’humilie le jour de ses noces. Parti résider en couple sur ses terres, Jacques vengera avec une cruauté méthodique ses mois d’humiliation. A la différence de celle du film (toute la troupe se vengeant de l’écuyère), la chute du récit nous montre Courbé en petit marquis sadique accablant son écuyère sous les sévices. Là où le film de Browning dresse les faibles et les marginaux contre la violence des forts (l’écuyère et l’hercule), le texte de Robbins, écrit dans une langue concise et savoureuse, fait de l’apparente victime naine un rusé manipulateur, qui renverse la situation à son profit.

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