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Eric Neuhoff, Le Figaro

Errol Flynn, une plume trempée dans le rhum
L’acteur bondissant s’est mué en journaliste le temps de deux reportages, à Cuba et en Espagne. Un recueil fait découvrir ses articles.

Errol Flynn était un cachottier. L’enfant terrible de Hollywood rêvait d’être écrivain. Il s’y employa tout au long de sa vie, publia un récit (Princes de la bourlingue) et un roman (L’Épreuve de vérité), signa une autobiographie (Mes 400 coups). Le reportage le tentait. Les conflits l’excitaient. C’était autre chose que les plateaux de cinéma. Deux de ses articles en apportent la preuve. En 1937, la star alcoolique se rend dans une Espagne plongée dans la guerre civile. Les obus pleuvent sur Madrid. À l’hôtel Florida, l’acteur veut changer de chambre. Peine perdue : le meilleur endroit de l’établissement demeure la cave, à l’abri des bombardements. Le journaliste dilettante s’acoquine avec un drôle de personnage, vaguement espion nazi, et essaie de ne pas recevoir une balle perdue. Son humour ravageur résiste au pilonnage. Dans les rues, les passants l’abordent : « Comment ça se fait que vous paraissiez si jeune dans vos films et si vieux en réalité ? » À l’étranger, la nouvelle de sa mort se propage. Il découvre ça en rentrant à Paris et s’excuse auprès de ses interlocuteurs tout surpris.
En 1959, il prend la direction de Cuba avant la chute de Batista. Il connaît l’île pour s’y être ancré avec son yacht et en avoir écumé les casinos (à son bras, son épouse, la minuscule Lili Damita, surnommée « le plus joli piment rouge de Hollywood » – « trop pimentée pour moi », commente le mari).

La secrétaire au revolver
Rencontrer Castro relève du parcours du combattant. L’insurgé se cache. Flynn, qui n’arrive pas à mettre la main sur un coiffeur parce que les rebelles ont juré de ne pas se couper les cheveux avant la chute du dictateur, tombe sur la secrétaire de Fidel, Cella Sanchez. Son œil repère d’abord ses mensurations. 90-60-90, à vue de nez. Il remarque ensuite le revolver calibre 32 qu’elle arbore à la ceinture. Avec Castro, ils sympathisent immédiatement. Il faut dire que Captain Blood n’y va pas par quatre chemins. « Écoute, mon pote, dis-je dans mon espagnol limité, ça te dérange si, de temps en temps, je prends une lichette du délicieux vin de ton pays (le rhum) pour rendre un peu plus viable cette situation révolutionnaire ? » On se croirait presque dans une séquence de L’Aventure, c’est l’aventure. Tout cela est-il à prendre pour argent comptant ? Peu importe. Le plaisir est au rendez-vous. « Je n’arrive pas à écrire sur moi-même parce que je me mens à moi-même. Je ne me rends pas compte que ce sont des mensonges parce que j’y crois. » Alors vivent les mensonges, s’ils sont d’Errol Flynn.

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