Études • Antoine Corman
Marceau, le personnage central de cette fable morale, est bien décidé à transmettre à ses deux garçons les valeurs de virilité et de combativité qui fascinent son imaginaire. Il n’a pas eu droit à la guerre, à son corps défendant, alors il se doit une revanche. Mais on a beau tenir en laisse sa descendance, il faut bien faire avec ce qu’on a : un aîné, à la réussite brillante dans l’industrie de l’armement, mais en échec dans son couple et prêt à vaciller sur ses bases ; un cadet, obsédé par les inventions aéronautiques, qui ne pourra intégrer l’armée en raison d’une déficience visuelle. On se contentera donc d’un univers de maquettes à exposer, d’animaux domestiques à faire souffrir et de mythes familiaux à entretenir savamment. Dans un univers masculin qui se rétrécit au fur et à mesure que la longe se raccourcit, l’air devient vite irrespirable, incitant à la fuite quiconque ne se soumet pas à l’ordre patriarcal, n’intègre pas « la pelote familiale ». Dans cet entrelacs où chacun se sert de bribes de la vie des autres pour tenter d’exister, on se saisira du moindre prétexte pour accéder au « quart d’heure de célébrité », faute d’avoir pu prétendre aux honneurs et à la gloire militaires. Mais rien ne permettra de se libérer de la corde, celle qui fait de la victime un bourreau en puissance. Au-delà de l’éternelle thématique de l’étouffement familial, ce récit implacable dresse sous nos yeux, au travers d’une écriture sans artifice, au plus près du ressenti de chacun des personnages, les portraits tiraillés de protagonistes incapables d’échapper à leur destin.