Emmanuel Pierrat, Livres Hebdo

Emmanuel Pierrat, Livres Hebdo

Alain Minc est à nouveau poursuivi pour « plagiat », autrement appelé contrefaçon si l’on suit scrupuleusement la terminologie du Code de la propriété intellectuelle.
Pascale Froment, qui a signé une biographie de René Bousquet, le sinistre secrétaire général à la police de Vichy, a assigné en référé l’essayiste qui, lui, vient de publier L’Homme aux deux visages – Jean Moulin/René Bousquet : itinéraires croisés. L’avocat de la would-be plagiée estime que « Sur les 75 pages concernant René Bousquet plus de la moitié sont empruntées à l’ouvrage de Pascale Froment, soit environ 300 passages ». L’auteure (qui, en l’occurrence, a été éditée d’abord chez Stock puis chez Fayard, soit dans le même groupe qu’Alain Minc) peut d’ailleurs agir seule sur le terrain du droit moral ; c’est-à-dire sans le concours de son éditeur, qui détient les droits patrimoniaux. En cas de « plagiat », le droit au respect du nom et le droit au respect de l’oeuvre sont tous deux violés. Or ces deux attributs du droit moral ne sont pas cessibles et sont toujours détenus par l’écrivain plagié, en dépit du contrat d’édition.
L’essai biographique est un genre qui ne réussit pas à Alan Minc et à ses documentalistes. Un conflit l’avait déjà opposé à Patrick Rodel à propos de la vie de Spinoza. Le 7 septembre 2001, le tribunal de grande instance de Paris a plus qu’épinglé l’essayiste au profit de l’universitaire qui le poursuivait également pour contrefaçon.
Les juges ont d’abord pris soin de souligner que, traditionnellement, « les idées sont de libre parcours » et que, à ce titre, nul ne pouvait reprocher à Alain Minc d’avoir rappelé, chronologiquement, les épisodes de la vie de l’illustre philosophe.
Cependant, ils ont aussi détecté nombre d’anecdotes, recopiées avec les mêmes détails et surtout dans les mêmes termes qu’au sein de l’ouvrage de Patrick Rodel. Ce dernier avait en effet imaginé une correspondance mettant à jour un goût prononcé de Spinoza pour la confiture de rose, agrémenté d’une recette. Or, cette facétie – qui s’inscrivait dans une biographie revendiquée clairement comme imaginaire – avait été reproduite, sans source idoine, dans l’ouvrage litigieux…
Si, cette fois, Pascale Froment obtient gain de cause, Alain Minc pourra toujours se consoler en lisant l’Apologie pour le plagiat d’Anatole France, que viennent de rééditer les délicates et subtiles Éditions du Sonneur. Le futur Prix Nobel de littérature y retrace avec brio l’histoire du plagiat et ce à l’occasion du procès intenté par Maurice Montégut, auteur d’un drame en vers intitulé Le Fou à l’encontre d’Alphonse Daudet et de son Obstacle. Le volé était en l’espèce lui-même un voleur !
Il est depuis lors apparu à nouveau utile à certains – dont la main était malencontreusement, comme celle de Jean-Luc Henning, prise dans un sac – de hisser le plagiat au rang des Beaux-Arts. La référence aux grands écrivains plagiaires va contribuer non seulement à la défense du plagiaire mais également à sa thérapie et à son exercice d’auto-promotion. Anatole France, jamais soupçonné et réel grand écrivain, est un modèle difficile à égaler.

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