Elle • Virginie Bloch-Lainé
On dit de certains vins qu’ils ont du corps ; ce livre-ci en a. Il est prodigue en inventivité et en évènements tout en restant léger. Il est même ailé. Quatrième roman de Laurine Roux, Sur l’épaule des géants relève de la saga, du conte philosophique et du récit picaresque. Il raconte l’histoire de la famille Aghulon, de 1850 à nos jours. L’autrice enrichit cette fresque d’une traversée de l’Histoire et d’une chevauchée des grands progrès scientifiques (Les Aghulon sont des savants). Le thème qu’elle met en scène est la transmission, et ce, dès le titre, emprunté à Bernard de Chartres, philosophe du XIIe siècle qui avait dressé le constat suivant : « Nous sommes comme des nains juchés sur l’épaule des géants. ». Chaque génération porte et nourrit la prochaine. Le livre s’ouvre sur Lazare Aghulon, acquis au positivisme et obsédé par les « causes premières ». Lazare est accaparé par ses expériences, si bien que son fils Barthélémy trouve la tendresse dont il a besoin auprès de Socrate, un chat doué de parole et de sagesse. L’adorable Barthélémy devient savant à son tour, mène des recherches auprès de Louis Pasteur et participe à la mise au point de la pasteurisation. L’épouse et les descendants de Barthélémy ne sont pas moins attachants ni courageux que lui. Ils surmontent avec vaillance des catastrophes. Le roman (illustré) déborde de charme et de sympathie dans sa façon de peindre des destinées. Laurine Roux chasse la déploration et chérit l’enthousiasme. Une phrase incarne le ton de l’ensemble : « L’enterrement, poignant, s’illustra surtout par la bonne humeur qui y régna. ».