Coup de cœur de la Librairie du Rivage, Royan
Nicolas Cavaillès est maintenant un habitué de nos coups de cœur. Après Vie de monsieur Leguat, Pourquoi le saut des baleines et Les Huit Enfants Schumann, tous aux éditions du Sonneur, voici donc une nouvelle bonne surprise, Le Mort sur l’âne, conte philosophique, voire métaphysique, d’une invention surprenante et parfois troublante au point que le narrateur interpelle le lecteur pour le rassurer et l’enjoindre à poursuivre sa lecture. Cet âne avec son mort sur le dos hante un récit qui nous conte l’histoire de l’île Maurice comme une allégorie du monde et des mots (maux) qui le nomment. C’est la mort qui rode, la destruction qui accompagne la présence des humains, c’est cela que l’âne supporte « sans rien comprendre » et Nicolas Cavaillès semble adopter le cheminement du baudet avec des digressions (Baudelaire ou le chanteur rasta Kaya) et des ruptures de style qui lui permettent de nous mener au bout de cette parabole de fin du monde : « Restent les strates modernes de souffrance et de béton qui recouvrent les coulées primaires de lave et de jungle, et ces strates pèsent lourd, s’affaissent trop bas : nous ne saurons bientôt plus y réinventer l’idée même de liberté. Ne voyez-vous pas déjà quelle piètre animalité est la nôtre ? » Nicolas Cavaillès livre là son livre le plus sombre, la mort dans l’âme. Quant au monde, li kapav pas eziste.