Contespoche

Jacqueline Dhéret, Université Populaire Jacques-Lacan, Ironik n°32

L’écrivain tchèque Karel Čapek, contemporain de Freud, dont une somme importante de nouvelles vient d’être traduite en français, nous enchante par son style ironique et incisif (Contes d’une poche et d’une autre poche, Paris, Les éditions du Sonneur, 2018). Une écriture qui interroge d’une façon unique les effets du stalinisme, joue du côté absurde de la norme, lequel n’apparait qu’avec les changements de l’univers linguistique qui l’organisait.
Manifestement, Čapek a lu avec attention les travaux de Freud. Il en use pour mettre au point ses énigmes, faire apparaître l’impérialisme de la vérité lorsqu’elle se veut dernier mot, jugement. On rit, on s’amuse mais l’angoisse n’est jamais loin : les personnages de Čapek prennent à la lettre des bouts de savoir. Ils construisent des logiques mortifères y compris lorsqu’au nom de la découverte freudienne ils font de l’inconscient un lieu de dissimulation et de mensonge. Tel est pris qui croyait prendre ! Le juge d’instruction Mates a une théorie : l’homme est un menteur. Si on laisse parler l’inculpé, c’est souvent par inadvertance qu’il dit LA vérité. Mates introduit dans la déposition la valeur du lapsus pour vérifier l’aveu. Il traque le bégaiement, la gaffe.
Dans sa vie conjugale, il poursuit cette passion qui fait de lui un enragé. Il piste sa femme, la surveille, la soumet chaque jour à des contre-interrogatoires non directifs et subtils, dans l’espoir de vérifier si la « chère Marta » est amoureuse ou non du jeune Arthur rencontré en cure. Une jalousie qui l’entraîne sur des voies périlleuses, pour autant que la méthode utilisée fait sans cesse exister l’ennemi, à son image… Je vous laisse découvrir la ruse mise en scène par Čapek pour permettre à Marta de poursuivre ses amours clandestines. Quand le regard est trop présent, ce n’est pas la vérité qui soulage, mais la lettre lapsus : le mari reçoit, par erreur, une lettre de sa femme adressée au beau jeune homme. « Pauvre Marta, en conclut notre juge, comme je t’ai fait souffrir avec ma jalousie ! Tu t’inquiétais pour moi et tu en parles à notre
ami… »
Le délire quant à lui reste bien en place : Mates rassuré, est désormais certain « que la preuve indubitable peut être le fruit du hasard ». Marta ce jour-là, de nouveau en cure, avait écrit à son mari et à Arthur mais s’était trompé d’enveloppes. Enfin…

 

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