Le Républicain Lorrain • Magalie Delle-Vedove
Celine Righi : un deuxième roman qui tient promesse
Après le succès en 2023 de Berline aux Éditions du Sonneur, la romancière lorraine Céline Righi revient pour la rentrée littéraire avec Les Choses de la nuit. Attendue au livre sur la place, elle confirme son talent en proposant un bout de route avec Henry Dawnson, un trompettiste de génie amputé, dès les premières pages, d’une main.
Chanteuse, parolière, professeure de français et romancière. Les mots sont le dénominateur commun ?
C’est vrai. J’ai un rapport particulier aux mots. Depuis que je suis petite, ils me procurent de la joie. À la maison quand j’étais enfant, on écoutait, Brassens, Trenet, Boby Lapointe. Je m’amusais à faire des rimes, je suis sensible à la musicalité. Mais j’ai eu du mal à passer à l’écriture parce que je me suis passionnée pour les grands auteurs. J’ai tellement d’admiration pour les grands écrivains que cela a perturbé mon envie d’écrire. Il a fallu que je me libère de mes peurs. Et puis un jour, je me suis dit, « vas-y, écris, on verra ». J’ai vite compris que l’écriture est un travail. C’est presque de l’artisanat, il faut tailler, raboter, ciseler. Ce travail me procure une joie d’enfant. J’écris des paragraphes, j’assemble avec le même plaisir que celui que j’éprouvais en faisant des puzzles. Les mots ont du pouvoir, je le constate quand j’anime des ateliers d’écriture. Je ne parlerai pas de thérapie ou de guérison, mais je dirais qu’ils sont un baume qui peut aider à traverser les tumultes. En tout cas, je conçois l’écriture comme ça. Écrire, c’est le chemin que j’ai choisi pour traverser l’existence et me protéger d’un monde parfois brutal. C’est à la fois un refuge et un espace de jeu.
Berline, votre premier roman, a eu un beau succès d’estime. Ce n’est pas paralysant de se dire « il faut que je fasse au moins aussi bien » ?
On parle souvent du cauchemar du deuxième roman. Avec Berline, j’ai en effet eu la chance d’avoir un bel accueil. Le roman a reçu quatre prix. J’ai sillonné les routes de France pour aller dans des librairies, des festivals. J’ai voyagé jusqu’au Québec. L’accueil de mon deuxième roman Les choses de la nuit démarre bien. J’ai eu plusieurs coups de cœur de libraires et de bons retours de lecteurs et de lectrices. Ils se sont attachés à Henry comme ils s’étaient attachés à Fernand. Je me dis que c’est de bon augure. Bien sûr, je suis fébrile depuis la parution. J’ai envie que ce livre trouve son public parce que j’ai envie de reprendre la route et d’aller à la rencontre des lecteurs. Je ne peux pas dire que j’ai été paralysée avant d’écrire. Dans la mesure où j’écris par nécessité, le fait que ce roman existe, c’est déjà une victoire. Oisons que s’il a du succès, ce sera un super bonus.
Les deux romans sont différents, mais il est question de deux héros empêchés. Ce thème vous inspire ?
Sans doute. Peut-être aussi que les deux romans rappellent chacun à leur manière que la vie vaut la peine d’être vécue. Ce que je mets en avant, c’est l’impermanence de l’existence. Tout peut s’arrêter à n’importe quel moment. J’ai choisi d’appeler mon deuxième roman « Les Choses de la nuit » pour le clin d’œil au roman de Paul Guimard, Les Choses de la vie. C’est l’histoire d’un homme qui vit sa vie à moitié. Suite à un accident de voiture tout s’arrête, mais il est trop tard. Dans mon second roman, Henry a le sentiment, après une enfance difficile, qu’en découvrant la trompette et le succès, sa route sera aplanie. Mais il n’en est rien. Nous ne sommes à l’abri nulle part. Et puisque la vie peut être bouleversée à tout moment, alors essayons de vivre pleinement le moment présent.
C’est finalement un « carpe diem », l’idée qu’après l’ombre, on peut trouver fa lumière ?
Ce qui est certain, c’est qu’on n’a rien trouvé de mieux que l’obscurité pour révéler la lumière. Dans la vie, ça fait partie du jeu de passer de moments de bonheur à des moments où on est malmenés émotionnellement et inversement. On peut lire mon roman de deux façons. C’est l’histoire d’un homme qui prend la route la nuit parce qu’il a décidé que sa vie ne valait plus de la peine d’être vécue. Mais on peut aussi voir dans cette route un chemin initiatique qui va permettre à Henry de voir les choses autrement, de sortir de sa noirceur. C’est la condition humaine. On tente de se débrouiller avec une existence qu’on essaie d’apprivoiser.