Cavaillès-Ane-Artpress

Fabien Ribery, Artpress

Auteur des remarqués Vie de monsieur Leguat, Pourquoi le saut des baleines, Les Huit Enfants Schumann, Nicolas Cavaillès, né en 1981, traducteur de roumain, spécialiste de Cioran et directeur de la maison de micro-édition de poésie Hochroth Paris, s’intéresse à la question du territoire que l’homme s’ingénie à rendre invivable. On ne sait pas si l’âne de son dernier livre a lu Gilles Deleuze, mais il est sans nul doute frère en sagesse de celui de la comtesse de Ségur, et en peines de ceux de Robert Bresson et George Orwell. Le voici, vieille bête battue ayant blanchi sous le harnais, flanqué d’un cadavre solidement fixé sur le garrot, échappant à ses maîtres qui l’avaient tenu jusque-là dans l’ignorance, enfermé dans le cratère d’un volcan éteint, découvrant enfin sa terre de souffrance, l’île Maurice. En quarante chapitres brefs, empruntant leur ton à celui du conte philosophique, léger et cinglant, Cavaillès décrit en rousseauiste aigu une île ravagée par la folie humaine, industrieuse et grégaire. Sorti de son trou métaphysique, son bourik (âne en créole réunionnais) contemple un paysage qu’il voit s’animer, alors décrit en une langue de volupté, brillante, baroque, ouverte aux dérives et virées glissantiennes. Le Mort sur l’âne pourrait être un précis de voyage érudit, superbement écrit. C’est bien plus encore : une méditation sur le besoin de nommer pour échapper au silence d’où tout procède, comme un désir de posséder par les mots ce qui ne peut être accueilli sans angoisse dans sa nudité première. Une fois les esprits enfuis, restent des humains égarés dans leur solitude et leurs vilenies. Apparaît soudain devant l’âne marron, portant le poids de l’humaine condition, le prince des poètes. La légende ne dit pas si, en se regardant, Charles Baudelaire et le bourik pleurèrent.

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