Le Canard enchaîné • Dominique Simonnot
La taule, c’est pas son truc !
Évidemment, après quarante ans de carrière en robe noire ou rouge, la question peut surprendre ! On se dit : « Eh bien, mon gars, tu aurais pu te le demander avant ! » Certes. Mais ceux qui ont vu à l’œuvre le juge Portelli savent que, cette interrogation existentielle, il se l’est toujours posée. La blague courait même le milieu judiciaire : « Quand t’es jugé par lui, tu ressors en général avec la Légion d’honneur ! » Bon, c’est marrant… Portelli a « éclaté de rire » quand la décoration lui a été proposée, et il fut un juge – comme beaucoup d’autres, mais trop peu d’autres – qui n’aimait vraiment pas expédier les «éclopés de la vie » en prison.
Parmi ses collègues, il n’a pas toujours eu la cote. Trop médiatique, sans doute, « bon client » de la télé, renvoyant une image trop critique de la justice. Et, s’il faut parler au passé de son métier de juge, c’est que Portelli est désormais avocat.
Aussi ce livre n’est-il pas seulement une déclaration d’intention mais une invitation faite aux magistrats à peser les conséquences de leurs jugements. Aucune leçon de morale, mais un court récit en forme de promenade à travers des histoires qui ont marqué sa carrière. Le « choc inouï » de rencontres avec des victimes. Et des prévenus ou accusés. Ces trois enfants qui ont sauvagement tué, et dont il a surveillé le parcours des années durant, voulant s’assurer, se rassurer, sur la suite de leur vie. Et cet amendement, dit « Ginette » qu’il a rédigé en mémoire d’une femme massacrée par une autre et qui prévoit, pour mieux comprendre un crime, une enquête de personnalité sur la victime, ce qui n’existait pas avant. Sa répugnance affichée des cellules, il l’explique: « On peut les visiter cent fois » sans savoir jamais ce qu’elles sont vraiment, « faute d’y avoir vécu, parmi l’ennui, les cafards, les poux, les rats, dans l’accablement »…
Prêt à le plaider !