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Au début, ce n’était qu’un « petit rien blanc », écrit Karel Čapek dans Dachenka. Sans yeux ni pattes. « Mais vu que cela avait une paire de mignonnes oreilles et, derrière, un bout de queue,…

Au début, ce n’était qu’un « petit rien blanc », écrit Karel Čapek dans Dachenka. Sans yeux ni pattes. « Mais vu que cela avait une paire de mignonnes oreilles et, derrière, un bout de queue, nous fûmes d’accord que c’était un petit chien. » Une petite chienne, en fait, qui deviendra l’idole de plusieurs générations de Tchèques, le livre paru en 1933 comptant  toujours parmi les préférences des enfants. De « la vie d’un bébé chien », comme l’annonce le sous-titre, Čapek n’a omis aucun détail. Il décrit avec minutie, dessins à l’appui, comment ce fox-terrier apprend à regarder, à marcher, à jouer, à manger. Et il retranscrit les histoires qu’il faut lui raconter pour l’apaiser : sur la longueur de la queue, sur ses ancêtres, les dobermans, et surtout sur les hommes ; la « meute » dans laquelle, séparé de sa mère, il lui faudra bientôt s’intégrer.
« Čapek a écrit ce livre pour montrer que toute espèce vivante mérite notre attention, qu’il faut bien se comporter avec chacune et ne jamais faire souffrir », affirme le site Cesky Jazyk, en référence aux idéaux humanistes que Čapek défendit durant l’entre-deux-guerres en tant que philosophie, journaliste, romancier, dramaturge et dessinateur. Dans Dachenka, il se montre plutôt optimiste sur l’humanité. « À en croire certains animaux, l’homme serait méchant ; beaucoup d’hommes le disent aussi ; mais ne les crois pas, explique ainsi le narrateur à Dachenka. C’est seulement parmi les hommes que tu te sentiras chez toi. Avec les hommes, tu es liée par quelque chose de plus merveilleux et de plus subtil que le sang. Ce quelque chose, c’est la confiance et l’amour. »
Mais, sorti des contes pour enfants, c’est souvent le pessimisme qui l’emportait chez Čapek. Car l’écrivain s’alarmait des avancées spectaculaires de la technique et des nationalismes. Et si la civilisation finissait par étouffer toute trace d’humanité ? Les œuvres de science-fiction de Čapek, dystopiques et saturées d’humour noir, laissaient ainsi libre cours à sa phobie. L’issue est déjà quasiment fatale dans R.U.R (1920), la pièce de théâtre à l’origine de sa notoriété, puisqu’elle popularisa son invention du mot « robot », dérivé d’un radical slave signifiant « travail ». Ce texte, traduit et joué dans de nombreux pays, raconte la révolte de ces esclaves mécaniques contre des hommes dépassés par le progrès technique.
Même cauchemar dans le roman La Guerre des salamandres (1936) où, cette fois, ce sont des créatures sous-marines  qui tentent de succéder à l’homme en mimant son comportement suicidaire, ce qui laissera au moins à l’humanité l’espoir de les voir s’entredétruire. Dans La Maladie blanche en revanche, pas de miracle final. Toute espérance est anéantie quand l’épidémie de nationalisme finit par triompher. La première représentation de la pièce et lieu en 1937. L’année suivante, les nazis envahissaient la Tchécoslovaquie. Karel Čapek, lui, n’a pas vu sa hantise se réaliser. Il est mort trois mois auparavant, à 48 ans.

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