Le Républicain lorrain • Propos recueillis par Xavier Jacquillard
Chanteuse et parolière originaire d’Hussigny-Godbrange, Céline Righi vient de publier son premier roman Paru aux Éditions du Sonneur, Berline suit les pensées de Fernand, piégé dans l’effondrement d’une mine, quelque part à la fin des années 1960. L’auteure livre quelques clefs de lecture, largement familiales.
« Je suis née à Villerupt et j’ai grandi à Hussigny Godbrange, avant mes études à Nancy. Je suis une vraie Lorraine ! Pendant quasiment vingt ans, j’ai enseigné en tant que professeur de lettres modernes. Puis, en 2018, j’ai démissionné de l’Éducation nationale pour me consacrer à mes activités d’écriture : parolière, pour moi et d’autres artistes ; et animatrice d’ateliers d’écriture. En fin, j’interviens à la maison d’arrêt de Strasbourg, auprès de détenus. Mais je garde un lien avec le Pays-Haut : ce sont mes racines, profondes. D’ailleurs, j’en parle dans le livre… »
Ses origines
« L’univers minier m’a toujours intriguée, sans doute car mes deux grands-pères étaient mineurs. Celui paternel travaillait dans la mine de fer à Hussigny. Celui maternel, dans une mine de charbon à Faulquemont. J’avais envie de rendre hommage à ces hommes du fond. Sans oublier les femmes qui, souvent, s’occupaient des gosses, du manger, du ménage etc. Cet univers me touche beaucoup, il me ramène à mon enfance. Et dans ma famille, on s’est toujours évertué à transmettre le flambeau, la mémoire.
À Hussigny, une grande importance est accordée à la survivance de cet univers. L’Association d’histoire industrielle fait revivre ce monde souterrain de manière extrêmement vivante . Je voulais y goûter pendant l’écriture du roman : le vacarme du fond, le noir absolu…
Ces expériences m’ont bouleversée. Et me dire que mon grand-père avait travaillé là était très émouvant. »
Ses sources d’inspiration
« J’ai mis de nombreuses années à écrire ce roman, qui a pris plusieurs formes. Deux histoires bouleversantes m’ont donné le déclic pour modifier la première mouture. D’abord celle de Franz Riva, rescapé de l’effondrement de la mine de Rochonvillers, en Moselle, en 1919. Il est resté quatre jours sous terre, protégé par une berline qui s’était retournée sur lui. Une histoire incroyable ! L’autre est celle d’Auguste Berton, un survivant de la tragique catastrophe de Courrières, dans le Nord, en 1906. Lui a erré seul sous terre pendant 24 jours avant d’en sortir vivant ! Il existe une photograghie de lui, alité, le visage émacié. Cette image m’a hanté pendant toute l’écriture de Berline. Ces deux miraculés ont fait naître le personnage de Fernand. »
Son approche
« Le mot parfait pour mon approche est celui de puzzle. Petite, je ne faisais que ça ! Il paraît même que je les réalisais à l’envers, du côté monochrome, du carton. La reconstitution me préoccupait déjà à trois ou quatre ans. C’est comme ça que je conçois l’écriture, aujourd’hui. Au fil des années, je me suis rendu compte qu’il existait pour moi une analogie entre l’écriture, la reconstitution de la mémoire, le puzzle… À tel point que, quand j’ai écrit certains passages de Berline, je les ai imprimés, découpés, puis j’en ai changé l’ordre en fonction de ce qui me paraissait le plus pertinent. Ce lien au puzzle se retrouve dans le récit : son personnage se prend des blocs sur la tête, des morceaux de cailloux qui n’ont pas tous la même taille. Et qui ne tombent pas tous au même moment. »